Le Temps qu'il fait

Armand Robin

Gallimard

  • Conseillé par
    9 février 2011

    Une admirable épopée de la condition humaine et du rapport au monde

    " Le temps qu’il fait " n’est pas le roman de terroir qu’annonce le résumé du 4ème de couverture, qui semble avoir été écrit par quelqu'un qui se serait contenté d'une recopie partielle de l'évocation du livre dans la préface au recueil de poèmes « Ma vie sans moi ». Ce roman n’en est pas un : il n'est pas narratif et le drame (une paysanne meurt en s'égarant dans la tempête ; son mari, un paysan rude qui la battait, regrette de n’avoir su lui dire qu’il l’aimait ; il s’ouvre alors à son fils Yann, qui avait trouvé refuge dans les livres) est à peine esquissé. En fait, ce livre, écrit dans la langue sublime et inventive d’un poète majeur du siècle (méconnu parce que n’ayant été inféodé à aucune école), est une épopée à la fois mystique, panthéiste et chrétienne, entrecoupée de poèmes, de dialogues et de monologues en vers et en prose, qui donne voix à la Création et aux forces de la nature avec une ferveur que je n'ai retrouvée que dans "Colline" de Giono. Tout (le ciel, un cheval, un livre, un homme, le temps, la mort, Lénine, Christ, un chien, Lénine, des brindilles de nuit, etc.) parle en sa langue (parfois avec de sublimes inventions verbales, parfois avec quelques mots de breton) et veut célébrer l’Amour. Tout est avide de parole ; les livres (celui que lit Yann puis celui que lui offre son père, qui ne sait pas lire) sont une clef et une métaphore de la volonté qui cherche à surmonter le mur de l'incommunabilité. Je ne connais d’œuvre rendant plus bel hommage à la puissance du langage ni de livre (et celui-ci fut écrit en 1941 au plus noir des années sombres !) transcendant davantage toute chose et la condition humaine pour l’épanouir jusqu’à l’Universel. Comme Yann, Armand Robin a connu l'« aube merveilleuse où l’enfant des pauvres apprend à déchiffrer les secrets sublimes grâce auxquels la Terre est devenue humaine ! »