L'atlas Molière

Jules Grandin, Christophe Schuwey, Clara Dealberto

Les Arènes

  • Conseillé par (Libraire)
    27 janvier 2022

    Intelligent et ludique

    Les 3 auteurs, universitaire, cartographe, infographiste, s’appuient sur des faits avérés, notamment les 286 documents administratifs en notre possession, et le fameux registre comptable de La Grange, pour dresser le portrait non pas d’un homme mais d’un publicitaire, d’un créateur, d’un administrateur, d’un formidable entrepreneur dans une période où le théâtre occupe un rôle important dans la société parisienne et provinciale.
    C’est la vie d’une troupe qui est racontée sans oublier l’essentiel: la qualité et les thèmes retenus pour les pièces jouées, comédies ou tragédies.
    Cette approche historiquement scientifique s’appuie sur une tendance innovante actuelle de l’édition historique: l’infographie. Ce sont pas moins de 150 cartes et infographies qui expliquent, démontrent, justifient le texte. A cette vulgarisation de qualité s’ajoute un ingrédient agréable: l’humour !

    Chronique complète :

    Jean Baptiste Poquelin, dit Molière, est né il y a quatre cents ans, en janvier 1621. Pour sa date de naissance, on ne dispose que du jour de son baptême et comme pour l’essentiel de son existence, les historiens n’ont que peu d’informations certifiées. Aucune lettre reçue ou envoyée par exemple. Cet Atlas ne vous racontera donc pas un « vrai » Molière. Vous n’apprendrez rien sur sa vie sentimentale et amoureuse, sur ses phobies, ses envies, sur son caractère, domaines qui sont en l’état actuel des connaissances, du domaine du seul roman.

    Ce constat réalisé, les trois auteurs, universitaire, cartographe, infographiste, préfèrent s’appuyer sur des faits avérés et attestés, notamment sur les seuls 286 documents administratifs en notre possession, et le fameux registre comptable de La Grange, pour dresser le portrait non pas d’un homme mais d’un publicitaire, d’un créateur, d’un administrateur, d’un formidable entrepreneur dans une période où le théâtre occupe un rôle important dans la société parisienne et provinciale.
    Un homme qui comme nul autre sut saisir la société, les attentes commerciales dans un univers culturel, où les femmes sont le centre, les livres primordiaux, où le pouvoir sous forme de mécénat et de protection s’avèrent indispensables. Quand la troupe de l’Illustre théâtre créée par l’exceptionnelle Madeleine Béjart entame en province une tournée de 13 ans (1645-1658), nous sommes dans les coulisses de la représentation avec ses répétitions, ses déplacements, son intendance, sa concurrence.

    S’appuyant sur des recherches historiques universitaires de haut niveau, mais expliquées sobrement, c’est la vie d’une troupe qui est racontée sans oublier l’essentiel: la qualité et les thèmes retenus pour les pièces jouées, comédies ou tragédies. On comprend les sujets choisis par Molière qui cherchent à plaire au public, au roi et ne veut en aucune manière construire un grand oeuvre. Les auteurs remettent les pièces de théâtre dans leur contexte sociétal, trop souvent oublié aujourd’hui. Molière apparait alors comme un gigantesque fabricant de puzzles qui saisit les envies dans l’air du temps, les assemble, comme le démontre parfaitement l’analyse de pièces telles le Misanthrope, Tartuffe ou les Femmes Savantes.

    Cette approche historiquement scientifique s’appuie sur une tendance innovante actuelle de l’édition historique: l’infographie. Atlas, le terme généralement appliqué en matière de géographie, mérite ici pleinement son utilisation: ce sont pas moins de 150 cartes et infographies qui expliquent, démontrent, justifient le texte. Plans de Paris, tableaux de transfert des acteurs de troupes en compagnies, affiches publicitaires, les illustrations disent tout comme un arbre généalogique explique plus facilement une famille qu’une description mot à mot.

    A cette vulgarisation de qualité s’ajoute un ingrédient agréable: l’humour sous forme notamment d’anachronismes, comme celui symbolisant une pièce de théâtre en emojis ou en appliquant aux méthodes publicitaires de Molière les mots des réseaux sociaux. Raconter le passé avec les mots d’aujourd’hui.

    Jamais le principe « un dessin vaut mieux qu’un long discours » n’a autant été justifié et en refermant l’ouvrage, le lecteur garde le sentiment de voir s’esquisser la silhouette d’un «autre » Molière, vivant dans son temps au delà des images romancées: un expert de l’exploitation des problématiques de société, un grand entrepreneur de théâtre. Pourtant un mystère demeure: comment ces situations d’une décennie sont elles quatre cents ans plus tard encore pertinentes? Probablement le mystère du génie qu’aucun livre ne pourra jamais dévoiler.