Partie italienne

Antoine Choplin

Buchet-Chastel

  • Conseillé par
    11 octobre 2022

    Campo de Fiori

    Gaspar, artiste parisien, fuyant les mondanités et la frénésie, par pour Rome où il s’adonne à sa passion : le jeu d’échecs. Il y rencontre la belle hongroise Marya, redoutable au jeu, venue pour retrouver la trace de parties jouées à Auschwitz par son grand-père, célèbre maître d’échecs mort en déportation, avec son geôlier nazi.
    L’astronome et poète Giordano Bruno (16ème siècle), au destin incroyable et tragique, est le fil rouge de cette idylle naissante entre les deux protagonistes.

    La légèreté du début du récit fait place aux sombres souvenirs de la guerre, la mémoire déambule avec fluidité à travers dialogues et phrases courtes vers un prologue mystérieux.

    Il sera aussi facile, pour le lecteur, de se laisser porter par cette idylle romaine que de l’oublier.

    « Au détour de ses phrases, il me semblait que persistait la possibilité du sentiment amoureux, jamais nommé, mais peut-être vif encore »


  • Conseillé par (Libraire)
    16 septembre 2022

    Une prose poétique

    Il est une photo célèbre: elle représente Marcel Duchamp jouant aux échecs avec une femme nue comme adversaire. Cette photo, d’ailleurs évoquée dans le roman, ressemble à une métaphore du texte de Antoine Choplin. De jeu d’échec il en est beaucoup question au cours de ce texte bref et délicat. De désir aussi. D’amour beaucoup. Et d’Italie enfin, de Rome plus précisément. Cela tombe bien : « une partie italienne » c’est justement une ouverture classique de jeu d’échec.

    Antoine Choplin crée de la poésie avec de la prose. Comme le déplacement d’une pièce sur l’échiquier, il place ses mots juste au dessus du plateau, juste au dessus de la vie et sans grands gestes, silencieusement, il nous fait avancer dans l’histoire et atteindre des sentiments forts: la mémoire, le souvenir, la fidélité, le désir, l’amour, la tendresse. On chemine avec le couple dans les rues de Rome, on frémit sous leurs caresses silencieuses qui deviennent parfois désir brutal. Le texte joue ainsi par séquences, par ruptures, avec nous, surpris de cette succession d’images qui s’empilent les unes sur les autres.

    Chronique complète :

    Il est une photo célèbre: elle représente Marcel Duchamp jouant aux échecs avec une femme nue comme adversaire. Cette photo, d’ailleurs évoquée dans le roman, ressemble à une métaphore du texte de Antoine Choplin. De jeu d’échec il en est beaucoup question au cours de ce texte bref et délicat. De désir aussi. D’amour beaucoup. Et d’Italie enfin, de Rome plus précisément. Cela tombe bien: « une partie italienne » c’est justement une ouverture classique de jeu d’échec.

    On est au début du printemps place Campo de’Fiori. Un homme, Gaspar, artiste parisien plasticien reconnu est assis à une table de café. Des joueurs inconnus s’installent en face de lui et perdent. Gaspar ne rêve que de profiter de la saison naissante. Un jour, une silhouette féminine s’assied, elle s’appelle Marya, elle vient de Hongrie. Et elle gagne près de la statue de Giordano Bruno, un frère dominicain, scientifique et brûlé pour ses théories minoritaires, moine symbole de la liberté de pensée et de la supériorité de la raison sur la croyance.

    Gaspar et Marya vont se revoir, jouer de nouveau, errer dans Rome, s’aimer et regarder de leur chambre un couple danser le tango, rendre visite à un vieux prêtre aveugle. On ne résume pas un roman de Antoine Choplin qui passe avec une finesse rarement connue de thème en thème mais laisse au lecteur un goût doux et tendre de bonheur de vivre.

    Quand interviennent des références à l’histoire, à la seconde guerre mondiale et à la Shoah, notamment lorsque Marya dévoile à Gaspar la raison principale de sa présence dans la capitale italienne, on pense au texte Le Joueur d’Echecs de Stefan Zweig, qui dénonce le nazisme triomphant lors d’une partie jouée au cours d’une croisière.

    Antoine Choplin crée de la poésie avec de la prose. Comme le déplacement d’une pièce sur l’échiquier, il place ses mots juste au dessus du plateau, juste au dessus de la vie et sans grands gestes, silencieusement, il nous fait avancer dans l’histoire et atteindre des sentiments forts: la mémoire, le souvenir, la fidélité, le désir, l’amour, la tendresse. On chemine avec le couple dans les rues de Rome, on frémit sous leurs caresses silencieuses qui deviennent parfois désir brutal. Le texte joue ainsi par séquences, par ruptures, avec nous, surpris de cette succession d’images qui s’empilent les unes sur les autres.

    Le lecteur assidu de Choplin retrouvera là son goût des échecs, présents avec la musique et l’art dans chacun de ses ouvrages et sera interpellé par des références scientifiques rappelant la formation d’origine de l’auteur, mais une nouvelle fois il sera surpris par le non-dit, le silence qui laissera à chacun le loisir par exemple de mettre ses propres phrases sur les sentiments de Gaspar à l’égard de Marya. L’espace autour des mots de Choplin est large et presque infini, les situations sont décrites avec précisions, jamais les sentiments. L’écrivain joue avec nous, il nous tend des pistes, nous propose des mouvements, nous place sur la défensive, nous invite à réfléchir sur des mots qu’il tait, il nous laisse rêveur au bord de la table et nous offre une seule solution: lui tendre la main non pour admettre notre défaite mais pour admirer son talent.