Culte

Bien des gens lui demandaient si par hasard ce n’était pas lui, Yurko Banzaï. Non, répondait Yurko Banzaï en souriant. On n’est même pas parents, ajoutait-il aussitôt, pour anticiper la question suivante. Banzaï était en cinquième année à la fac de bio. Comme il comptait parmi les meilleurs de sa promo, on l’envoya en stage dans un collège qui préparait les futurs étudiants, afin d’enseigner la biologie aux classes supérieures. Il faut dire, avant qu’on lui annonce le nom de cette ville, Banzaï n’en soupçonnait même pas son existence : Midni Bouky1. C’était très loin, deux heures et demie de trajet, et en plus avec un train qui s’arrête à chaque poteau comme un épagneul. Banzaï déménagea à Midni Bouky fin août. Il loua une pièce dans un immeuble vétuste de deux étages. Une grand-mère baptiste, aussi effrayante qu’une guerre nucléaire, l’obligea à s’abonner à son courrier baptiste et, dans la foulée, à un journal local, Patriot, où son fils était rédacteur. Même si le journal ne faisait pas fureur, il se trouvait toujours quelques personnes pour l’acheter. Le quotidien traitait des dernières décisions du district, des informations municipales. Il n’évitait pas non plus les sempiternels viols, meurtres, détournements de mineurs et autres histoires croustillantes dont raffolent les retraités.