Lettres à Joseph Garcin, 1929-1938
EAN13
9782909240954
ISBN
978-2-909240-95-4
Éditeur
Ecriture
Date de publication
Collection
ESSAIS ET DOCUM
Nombre de pages
128
Dimensions
22,6 x 14,2 x 1,3 cm
Poids
194 g
Langue
français
Code dewey
846.912
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Lettres à Joseph Garcin

1929-1938

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eISBN 978-2-3590-5093-6

Copyright © Éditions Écriture, 2009.

AVANT-PROPOS

À Alain, qui appréciait lui aussi l'œuvre de Céline et avec qui j'ai partagé tant de joies et d'aventures, de la Normandie natale aux rives du Niger, tant de complicités voyageuses, africaines et cyclistes, tant de rires et de tendresse.

Les vingt-huit lettres qui suivent ont été adressées par Céline à Joseph Garcin entre septembre 1929 et octobre 1938. Cette correspondance, inédite jusqu'en 1979, a été révélée au Colloque international de Paris1, puis a fait l'objet d'une première publication en 1987, assortie d'une étude sur la genèse de l'œuvre2. Il s'agit donc ici d'une réédition, augmentée de quelques éléments nouveaux, de nombreuses précisions, et surtout d'un examen plus approfondi des aspects autobiographiques. Au-delà de l'anecdote, que nous apportent ou nous confirment ces lettres quant à la connaissance de la pensée célinienne de 1929-1938, période essentielle pour l'élaboration des premiers romans et la mise en place chez l'écrivain d'un projet, d'un style, d'une poétique au sens que Genette donne à ce mot3?

Certaines de ces missives, très brèves, peuvent apparaître anodines ; l'ensemble constitue cependant un apport important à la connaissance de l'homme et de l'œuvre, d'autant que cette correspondance, étendue sur près de dix années, s'oriente autour de la question fondamentale de la genèse et de la création romanesque célinienne.

Joseph Garcin est né en 1894 en Provence. Engagé volontaire, il participe aux premiers combats de la guerre de 1914, est gravement blessé en 1916 et se voit bientôt décoré de la croix de guerre et de plusieurs autres décorations. En 1917 et 1918, il séjourne en Angleterre et fréquente assidûment le milieu londonien, nouant des relations avec certains responsables de la police anglaise, sans doute en quête d'éventuelles protections. Après la guerre, il mène de front diverses activités tant à Paris – à Montmartre – qu'à Londres et dans le sud de la France. Il est ensuite difficile de suivre le personnage, compte tenu du nombre et du genre de ses activités. Dans les années 1925-1930, il est tenté par la politique et côtoie, à Paris et surtout à Londres, différents personnages du Parlement et des ambassades, sans succès apparent. « Gérant » dès 1920 ou 1921 d'établissements liés à la prostitution, il abandonne progressivement une partie de ses activités et séjourne de plus en plus souvent à Paris. Il conserve toutefois le goût des voyages, des aventures et des séjours à l'étranger, et ne rompt pas tous les liens avec certains amis londoniens, notamment ceux proches de la pègre et de différents commerces plus ou moins illicites.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Garcin s'embarque pour l'Algérie où sa trace se perd rapidement. Peu après l'armistice, on le trouve de nouveau à Paris où il meurt d'un cancer en 1962.

Au colloque de Paris et dans l'édition de 1987, j'avais évoqué les activités de Garcin dans l'hôtellerie et la restauration. J'ai depuis retrouvé le petit-fils de Joseph Garcin (qui ne porte d'ailleurs pas son nom et vit en Amérique du Sud), qui a corrigé ses déclarations des années 1970. Joseph Garcin était bien proxénète et il a dirigé des maisons closes.

La rencontre entre Louis Destouches et Joseph Garcin se situe en 1929, à l'initiative d'un ami commun. Garcin est un personnage comme Céline les affectionne : curieux des hommes et de toutes les expériences, aimant l'aventure et la vie, mais facilement inquiet et pessimiste, arriviste et sachant profiter de toutes les occasions pour fuir ce qu'il appelait la médiocrité générale, peu scrupuleux sur les moyens, certes, mais fidèle en amitié. Comme Céline, Joseph Garcin a vécu la catastrophe de 1914 et a été marqué dans sa chair ; il en conserve un traumatisme et une lucidité qui ne peuvent que les rapprocher. Et puis Garcin n'est pas un intellectuel, mais un homme simple qui a acquis, par ses contacts et après de patientes lectures, une culture que l'écrivain, dans ses lettres, se plaît à souligner.

On peut tout de même s'interroger sur l'intensité de l'amitié ayant pu unir Louis Destouches et Joseph Garcin et sur la fréquence de leurs rencontres. Mme Lucette Destouches n'a aucun souvenir de Garcin, mais elle n'a connu Céline qu'à partir de 1935, c'est-à-dire à un moment où la correspondance Céline-Garcin se raréfiait. À ma connaissance, à part Henri Mahé qui se rappelait vaguement avoir entendu ce nom lors de notre rencontre de 1970, aucun des témoins de l'époque n'a évoqué l'influence de ce correspondant et ami de Céline.

Dans les lettres à Garcin, Céline aborde bien des sujets. Cinq thèmes hantent l'écrivain, parfois jusqu'à l'angoisse. Le thème de la guerre, très présent. Celui de la fatigue liée à la débâcle. Place également importante du mensonge et du jeu. Évocation des dangers précipités par la montée en puissance des fascismes à Berlin, Rome, Madrid et Moscou, notamment. Enfin, comme dans toutes les correspondances et l'œuvre de Céline, les femmes tiennent une place sur laquelle il faudra revenir.

De Voyage au bout de la nuità Rigodon, les livres de Céline constituent un inventaire parfois fastidieux mais pertinent de tous les écroulements que l'écrivain contemple en spectateur halluciné, dénonciateur effaré dont la colère s'imprègne d'une véritable et sincère jubilation. De l'invasion de la boue, des pires délabrements à la faillite du corps et de toutes les enveloppes, d'un monde qui se relâche, s'écroule, précipite les plus dangereux déferlements, de la misère et de la peur à la mort qui menace et s'avance, Céline ne nous épargne rien. Il faut entendre cette voix rauque qui dit l'indicible, écouter ce cri jusqu'au bout, quoi qu'il en coûte parfois (« entendre au fond de toutes les musiques l'air sans notes, fait pour nous, l'air de la Mort », écrit Céline dans Voyage au bout de la nuit). Ce cri, tantôt hurlement, tantôt jérémiade, surgit du fond des plus sinistres angoisses et s'adresse à nous comme une exhortation. Le cri de Céline est un cri de moraliste, celui d'un homme lucide et debout, malgré les apparences4.

Dans le tragique et maniaque inventaire de tous les échecs, dans la violence de l'invective, la tentation est grande de ne voir que la réflexion et le propos d'un homme désabusé, profondément pessimiste, haineux et vindicatif, vouant ses semblables aux gémonies. Ce serait accréditer les poncifs qui encombrent depuis quatre-vingts ans la critique célinienne, trahir la pensée véritable de l'écrivain. Céline peut brosser, de délires en catalepsies, un tableau sinistre de la débâcle, privilégier le refus de l'avenir – « Parler de l'avenir, c'est faire un discours aux asticots », dit Bardamu –, évoquer la mort toujours présente, céder à la démesure et à la frénésie, il ne peut cependant jamais dissimuler une volonté forcenée et réconfortante de demeurer à l'écoute des problèmes de l'humanité, sensible aux dangers d'un monde qu'il n'a jamais renié.

Céline reste un humaniste. Lorsque Bardamu revient déçu de l'Institut Bioduret-Joseph, où il est allé demander des conseils afin de guérir Bébert, il s'arrête en bord de Seine et s'attarde avec quelques pêcheurs. Mieux, il prend place dans le groupe et le « je » devient « nous » (« un peu de chaleur autour de nous », « on était bien... », « Le monde en passant sur le quai nous avait oubliés là, nous autres... »). Quelques instants plus tard, Bardamu discute avec la bouquiniste qui va fermer sa boîte : « Je lui ai parlé... comme ça pour lui dire quelque chose d'aimable avant que ça soye la nuit partout. »

Il y a dans toute l'œuvre de Céline cet émouvant besoin de fraternité, cette exigence têtue, cette tendresse qui n'ose pas dire son nom, se cabre, se dissimule derrière les éclats de voix, mais, tenace et bien vivante, réapparaît a...
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