Alex-Mot-à-Mots

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Alex L., lectrice compulsive, presque anonyme.
Ayant une préférence pour les bons polars, mais aimant aussi les autres genres (sauf la SF, pitié....)

DELAFLOTTE MEHDEVI Anne

Buchet-Chastel

21,50
Conseillé par
29 janvier 2024

mémoire

De l’auteure, j’avais aimé Le livre des heures et adoré La relieuse du gué.

Je retrouve sa plume avec plaisir et suis étonnée qu’elle situe son récit dans un futur proche dans lequel les humains peuvent acheter des AVE, des Assistant de Vie Electronique pour les aider.

J’ai aimé Suzie qui tient la Maison du Bal, hôtel-restaurant qui ne sert plus que 12 repas les midis. J’ai aimé qu’elle raconte à l’AVE nommé Tchap ses parents, sa vie et le cruel décès de sa mère à la Libération.

J’ai aimé que les souvenirs de Suzie soient épars, qu’ils viennent en fonction de ce qu’elle a envie de raconter à ce moment.

J’ai aimé Tchap, ainsi nommé en hommage à Capek, écrivain tchèque inventeur du mot « robot ». Et puis, « a good chap » en anglais veut dire un bon gars.

J’ai aimé la conjugaison du verbe corréler : Tchap doit corréler les informations que lui donne Suzie.

J’ai aimé les leitmotivs : Suzie adore cuisiner les oeufs que lui donnent ses poules ; les veillées pendant lesquels Suzie raconte ses souvenirs ; le champ de foire en face du restaurant de Suzie.

J’ai aimé que Tchap devienne plus humains que les hommes, lui qui pouvait dire sans se tromper l’humeur de Michel ou si la boulangère avait assez dormi. Les hommes eux, ne veulent que du pain frais.

J’ai eu de la peine pour Michel qui ressasse sans cesse ce qu’on fait ses parents contre la mère de Suzie. Ce souvenir reste vivace pour lui, au point que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

J’ai aimé que Marius cherche sa place dans le village puis force la porte de Suzie, devenue trop fragile pour continuer de servir en salle.

J’ai aimé cette salle de bal qui renait au fur et à mesure du roman.

J’ai aimé le mot de l’auteure en fin de roman : il ne reste que la mémoire forcément défaillante, celle qui oublie des détails. Et parfois, c’est mieux.

Un bémol : certains débuts de paragraphes qui commencent avec le nom du personnage qui va parler. Puis à la ligne le dialogue commence. Un procédé assez déroutant mais qui évite les « Suzie dit – Tchap répond… »

Quelques citations :

un royaume doué d’extraterritorialité, « fiction juridique » dit le dictionnaire Petit Robert.

L’enjeu suprême sera toujours d’être aimé par un semblable ou d’abuser un semblable. Nos relations avec les AVE se placent à un autre niveau.

Même de l’invention de la roue, une forme parfaite, on s’est démerdé pour faire un instrument de torture !

L’image que je retiendrai :

Celle des veillées de Suzie et Tchap, seuls dans la salle de bal vide.

Conseillé par
29 janvier 2024

justice, vie moderne

De l’autrice, j’avais moyennement aimé Soleil amer. Je me suis régalée avec son dernier ouvrage.

Bien sûr, il y a une enquête sur la disparition d’une famille dans un quartier huppé dans lequel toutes les maisons sont transparentes.

Mais cette enquête n’est qu’un prétexte pour nous présenter une société résultante des réseaux sociaux dans laquelle rien ne peut être caché à ses voisins.

Tout a été pensé, même le lit-sarcophage si vous voulez faire l’amour loin des yeux inquisiteurs, et qui nécessite d’être activé des deux côtés du lit, obligeant au consentement des deux parties.

Mais comme tout le monde n’adhère pas ou n’a pas les moyens, il existe des quartiers « à l’ancienne » dans lesquels la jeunesse dorée va s’encanailler.

J’ai découvert au détour d’une phrase que le fondateur de la marque de chaussures Bata était tchèque et qu’il avait dans son immeuble un bureau-ascenseur entièrement vitré qui allait d’étage en étage, avec vue ses équipes.

J’ai aimé le personnage de Nico aux goûts vestimentaires décalés, mais toujours avec des lunettes noires.

Le personnage de l’architecte qui a construit le quartier m’a paru bien peu transparent, lui qui imagine une cathédrale de verre, futur temple de la consommation à l’image du Crystal Palace de Joseph Paxton.

J’ai aimé que ce roman parle également de justice : celle au nom de qui on construit des bâtiments transparents, celle qui s’exerce par vote populaire, mais qui profite à celui qui crie le plus fort.

J’ai aimé le regard de l’autrice sur notre future société qui, toute transparente qu’elle sera, abritera toujours les mêmes individus.

Quelques citations :

Mon smartphone était bien plus puissant, il ne me demandait rien, il anticipait mes désirs, et tout semblait gratuit. J’ai compris qu’il se nourrissait de mon ennui et que j’avais payé ses gens de mon temps. (p.55)

L’algorithme nous approuve, entretient nos croyances, nous conforte dans nos choix. Je partage des articles, des posts, pour évangéliser mes amis, ma famille. Ne pas communiquer, pour ne pas évoluer. Echanger, pour ne surtout pas changer. (p.148)

L’image que je retiendrai :

Celle de la forêt dans laquelle se rend un des personnage disparu qui aimait chasser loin des yeux des bien pensant.

Aux forges de Vulcain

20,00
Conseillé par
29 janvier 2024

Japon, merveilleux

J'ai aimé le début du roman : le personnage de Ikiro, sa grand-mère, sa ville.
J'ai aimé que le récit prenne la route du merveilleux : le chat qui parle, les tamagos.
J'ai aimé l'amour de Ikiro pour Midori.
J'ai aimé le leitmotiv de la montre qui ne fonctionne plus posée sur la table de nuit chaque soir.
Mais l'auteur m'a perdu quand il passe du "il" au "je". Je n'ai pas aimé que Ikiro raconte ses rêves d'un futur avec Midori. Le style était plat et le contenu inintéressant pour moi.
J'ai été agréablement surprise en début de lecture que constater qu'un auteur européen écrivait un roman japonais aussi bien qu'un japonais. Mais trop de merveilleux a eu raison de mon enthousiasme.

Éditions de l'Observatoire

22,00
Conseillé par
23 janvier 2024

agriculture, recyclage

Je ne doutais pas du bien fait du travail des décomposeurs de sol. Et je suis ravie que ce roman les mette enfin en lumière.

J’ai aimé Arthur et Kevin, si différents et pourtant si complémentaires ; les voies différentes qu’ils prennent pour un même but : développer la présence des vers sur un ancien champ utilisant les phytosanitaires et pour recycler en masse.

J’ai été désolée que Philippine ne fasse que reproduire un comportement de classe pour arriver à ses fins : prouver à son père qu’elle est capable de créer et diriger une société.

J’ai aimé les deux visages du Bouddha : celui qui finance une start-up, et celui qui accompagne Léa la naturopathe.

J’ai aimé les dualités du roman : les deux visages du Bouddha ; les réseaux des élites et ceux des vers de terre ; Arthur lettré issu d’une famille aisé et Kevin qui a profité de l’ascenseur social et dont les parents sont de modestes travailleurs attachés à aucune terre et toujours prêt à partir.

J’ai découvert Bookchin et l’écologie sociale, mais aussi la doche (une mauvaise herbe tenace).

J’ai aimé le voisin Jobard, le fait qu’Arthur le prenne comme tête de turc sans vraiment le connaître.

J’ai aimé que les deux hommes fassent l’amour à la terre chacun à leur façon.

J’ai aimé que Kevin découvre la musique classique avec la Chaconne de Bach.

Mais j’ai trouvé déplacé la présence d’un canapé Chesterfield dans une vieille ferme délabrée.

Enfin, j’ai aimé que l’auteur montre que les vers de terre réussissent l’androgynie perdue de Platon.

Quelques citations :

Il trouvait étrange cette manière des riches de vouloir à toit prix invoquer la justice au service de leur confort. p.224

Prométhée, Allah, Khnoum, Parvati, Viracocha, ils sont tous d’accord pour une fois : pour souffler la vie, pour pétrir le Golem, il faut de la glaise, de la boue, de la mère, quelque chose d’élastique et de spongieux. p.247

L’image que je retiendrai :

Celle des deux jeunes hommes les pieds dans l’eau, la nuit, rêvant de leur avenir sous les étoiles.

Conseillé par
23 janvier 2024

échecs

Du jeu des échecs, je connais juste les déplacements des pièces et le roque. Ne me demander pas ce qu’est un gambit ni une ouverture spéciale.

Ma libraire m’avait conseillé ce roman pour mon deuxième, féru de ce jeu. Il l’a lu en premier, forcément, puis ce fut mon tour.

J’ai été étonnée, d’entrée de jeu, par l’humour de l’auteur au travers de certaines réflexions (Les polonais existent. La Pologne, on ne sait pas » p.17). J’ai aimé ce ton parfois sérieux parfois distancé tout au long de ma lecture.

J’ai découvert la seconde partie de vie du célèbre joueur d’échec russe puis français Alexandre Aleksandroviotch Alekhine. Le roman commence lors de son retour en Europe après l’obtention de son titre de Champion du Monde en Amérique du Sud.

J’ai découvert sa quatrième femme Grace qui prendra ses distances avec lui. Une femme riche qui lui paye tout (jouer aux échecs ne nourrit pas son homme), et peint des chats.

J’ai appris que le joueur avait fait alliance avec les nazis, avait même écrit un article contre les joueurs juifs.

J’ai aimé que l’auteur imagine le Champion du Monde poursuivit par trois ombres, les trois meilleurs joueurs juifs qui surgissent parfois le soir.

Qu’il imagine transporter avec lui partout dans le monde un vase de porcelaine bleue du tsar.

J’ai découvert les zaporogues, cosaques ukrainiens se battant pour l’URSS au moment de la Seconde Guerre Mondiale.

J’ai aimé ce joueur et ses tourments, lui qui ne vit que pour gagner, et qui sera le seul Champion du monde à mourir avec son titre ; le dernier champion jouant sans staff ni fédération nationale derrière lui ; le dernier artiste avant la venue d’administrés.

Un joueur dont une défense porte le nom, la défense Alekhine qui se joue en diagonale.

L’image que je retiendrai :

Celle de l’espion russe et du couple français venu en même temps au Portugal pour tuer Alekhine, sans que l’on sache qui avait commis l’acte. Ou peut-être l’homme est-il mort de son penchant pour la boisson.