Carnaval infernal

Stéphane Pajot

Coop Breizh

  • Conseillé par
    21 avril 2011

    Connaissez-vous Léo Tanguy, cyber-enquêteur qui travaille dans une Bretagne d'anticipation proche (ce livre se déroule en 2019) ? A la manière du Poulpe, Léo Tanguy est un personnage inventé par quatre écrivains, Gérard Alle, José-Louis Bocquet, Denis Flageul et Sylvie Rouch. Pour s'en emparer et écrire une histoire avec Léo, il suffit de respecter la bible le concernant. L'idée est de faire des polars régionaux de qualité en s'inspirant des recettes poulpesques. A l'heure actuelle, 16 romans avec Léo Tanguy ont été écrits, dont un par Jean-Bernard Pouy, créateur de Gabriel Lecouvreur, référence en la matière.

    Là, c'est Stéphane Pajot qui s'y colle. Journaliste-écrivain nantais, grand connaisseur de tout ce qui touche à cette ville, il fait donc venir Léo Tanguy dans la cité des Ducs. Il a laissé libre cour à son imagination et a refait de Nantes la Venise de l'Ouest. En effet le nouveau maire, un écolo, a fait recreuser les canaux qui, avant les années trente (mille neuf cent trente) sillonnaient la ville avant d'être comblés. Nantes est aussi devenue, sous la plume de l'auteur, la ville ayant l'un des plus beaux carnavals de France, grâce à la reprise en mains du comité des fêtes par des gens motivés et totalement fous. Les machines pullulent -pour ceux qui ne les connaissent pas, suivez le lien précédent- et sont devenues en quelque sorte la marque de fabrique de la ville, ce qu'elles sont réellement un peu déjà, grâce au fameux éléphant.

    Léo débarque donc dans cette ville tendue à l'approche du très proche carnaval, qui, en cette année 2019, a pour thème l'enfer ! C'est dire si un cocon géant accroché aux colonnes de l'opéra Graslin n'impressionne personne il est d'ailleurs pris comme une performance artistique. Sauf que lorsqu'on sort de ce cocon, un vrai cadavre, les humeurs changent et les flics et les journalistes emplissent les rues de la ville à la recherche du tueur.

    L'enquête n'est sans doute pas exceptionnelle, mais elle est un très bon prétexte pour l'auteur pour nous parler de la bataille de la presse, les "coups" en douce, les "coups" foireux à faire à ses concurrents pour avoir le meilleur scoop (Stéphane Pajot donne même l'origine du mot scoop à laquelle je ne m'attendais pas du tout), la pesse écrite survivra-t-ele à l'Internet ? A Nantes, en 2019, oui ! Cette enquête est aussi l'occasion pour l'auteur de nous promener dans les rues d'une ville en totale mutation, d'une ville qui veut vivre sa folie et son délire : exactement ce que fait très bien Stéphane Pajot, dans son livre. Mi-passéiste, en revenant sur son histoire, négrière par exemple, pour l'exorciser, mi-avant-gardiste et promouvant ses créations artistiques grandioses et originales et mi-visionnaire -oui, je sais, ça fait un "mi" en trop, mais je viens d'avoir une troisième idée, ipso facto de dernière minute, et comme je trouvais la construction de ma phrase pas mal, alors, j'ai décidé de garder les trois "mi"- à la Jules Verne (LE grand homme nantais).

    Léo, qui connaît un peu la ville, se prend quelques cuites au muscadet -on a l'alcool qu'on peut, c'est peut-être plus chic au bourbon ou au whisky, mais le résultat est globalement le même : un gros mal de cheveux le lendemain !- tente d'infiltrer un groupe de nazillons qui se rassemble sur une péniche et fait même un tour en "pou-du-ciel", sorte de mini-avion qui survole et surveille la ville.

    Bien écrite, style rapide, jeux de mots fréquents, humour et ironie omniprésents, mots d'argot, de patois nantais -qui ne nuisent pas à la bonne compréhension- cette enquête se laisse lire très agréablement, même si Léo est un peu naïf et crédule et qu'il ne la résout pas vraiment, enfin pas seul. J'aime bien. A tel point, que me voilà maintenant très tenté de lire d'autres aventures de Léo Tanguy. Et les prochains livres de l'auteur.

    Amis bretons -et les autres aussi- n'hésitez plus, nous avons -je m'inclus, en tant que Nantais, même si je sais qu'au fin fond de la Bretagne, ça peu râler un peu, mais c'est quand même nous qu'on a l'château- nous avons, disais-je notre cyber-enquêteur, journaliste des temps modernes en la personne de Léo Tanguy. Et en plus le livre, il est pas cher (8€) ! Bien vendu, non ?