Malgré moi, Enrôlé de force dans la Wehrmacht

Joseph Isler, Simone Isler

La Martinière

  • Conseillé par
    15 avril 2014

    Qu'aurions-nous fait ?

    Un homme raconte son expérience de la guerre. Né dans un petit village près de la frontière allemande, il sera embrigadé de force dans la Wehrmacht.
    Né le 3 août 1926, il est incorporé le 16 mars 1944 et ce jusqu'au 7 juin 1945.
    La vie, on peut parler plutôt de survie, est dure car inexorablement la victoire change de camp, le peu d'informations semblent indiquer la défaite des troupes nazies.
    Il s'ensuit une période de dur apprentissage : comment rester soi-même en toutes circonstances et les épreuves ne manqueront pas.
    L'école de la marine pour un jeune homme qui n'avait jamais vu la mer ! La perte du père adoré, maire de son village, respecté par tous.
    L'avancée des troupes russes et le manque d'hommes valides sur le front le transforment en homme de troupe, adieu la marine.

    Il voyage, contraint et forcé, souvent dans des conditions déplorables. Il découvrira tous les pays belligérants de cette seconde guerre mondiale.
    Il tombera amoureux, comme quoi l'amour est le sentiment le plus fort ; il refusera de tuer de jeunes russes de son âge.
    Gravement blessé, il sera sauvé par un des derniers avions de la Croix Rouge....une épopée qui le ramènera chez lui bien plus tard.
    Ce livre est un témoignage rare, qui mérite que l'on y prête attention.
    Il raconte une période de la vie d'un jeune homme dont le seul tort est d'être né dans une zone trop proche de la frontière allemande. Le narrateur nous parle de l’amitié qu'il a pour le peuple allemand et sa détestation pour le régime nazi !
    Et pourtant "malgré lui", il va porter l'uniforme allemand pendant de longs mois.
    Autre étrangeté, lui et ses "collègues de miséricorde", paysans n'ayant jamais vu la mer sont incorporés dans la marine de guerre allemande ! Et l'auteur d'avoir cette réflexion :
    - Va-t-on vraiment devenir marins ?
    Car, et ne nous y trompons pas, les moyens de représailles contre les déserteurs étaient nombreux jusqu’à la déportation de familles entières en Silésie, contrée qui est plus proche de l'enfer sur terre que d'un paradis terrestre !
    Je pense que pour un jeune de 17 ou 18 ans le dilemme est cornélien !
    Et lui, comme ses confrères engagés d'office, subira l’opprobre populaire pendant de nombreuses années.
    La Bretagne est loin, mais je voudrais citer ces quelques lignes extraites d'un ouvrage de Roger Hugen "Par les nuits les plus longues". Réseaux d'évasions d'aviateurs en Bretagne.1940/1944 :
    - Avant eux , le 9 octobre 1941, "La Morgane", un plaisancier de treize pieds appartenant à M. Le Louarn André, capitaine de la marine marchande, domicilié à Kerity, avait franchi la Manche en appareillant de Poullafret, près de Paimpol. A bord avaient pris place Françis Delery second-maître dans l'aéronaval et Michel Bouëtté, jeune homme de Kerity.
    Michel Bouëtté était mon père, il avait lui aussi à peu près le même âge que Joseph. Et il ne m'en a pratiquement jamais parlé !
    Un très grand livre, témoignage d'une souffrance morale et physique subie par des gens simples dont le seul tort fut d’être ballottés d'un camp à l'autre par l'Histoire.
    Les derniers chapitres, suite à la fin de la guerre, montrent à quel point la vie de ces hommes fut une perpétuelle justification avec cette question : "Étiez-vous nazis ?"
    Si je devais mettre une phrase en exergue tirée de ce livre, ce serait celle-ci qui explique la complexité et la méfiance que durent subir tous ces jeunes gens, car n'oublions pas une chose Joseph Isler n'avait que 18 ans :
    -"D'ici le jour du départ forcé, il nous reste deux mois et demi pour nous préparer à l'idée de devenir des combattants dans une guerre que nous ne voulons pas, contraints par un dictateur que nous haïssons, en sachant que nous serons suspectés par tous ! Les Allemands évidemment qui nous considéreront toujours comme peu fiables, les Français qui nous verront comme des traîtres ! Les Russes comme des ennemis et les Américains qui n'y comprendront rien ! "
    Un grand merci à Simone Isler pour cette écriture simple, mais pas simpliste, qui contribue pour beaucoup au sentiment de vérité qui ressort de cet ouvrage poignant.