- EAN13
- 9782021251456
- Éditeur
- Seuil (réédition numérique FeniXX)
- Date de publication
- 1981
- Collection
- Libre à elles
- Langue
- français
- Langue d'origine
- français
- Fiches UNIMARC
- S'identifier
L'Amour nomade
La mère et l'enfant hors mariage (XVIe-XXe siècle)
Françoise Paul-Lévy
Seuil (réédition numérique FeniXX)
Libre à elles
Livre numérique
Si l'on veut ne pas trahir l'amour, rester fidèle au meilleur de lui-même, il
faut savoir et accepter que la durée d'une relation est à l'inverse de son
intensité. Le mariage, lui, prétend à la durée, privilégiant l'alliance plus
que le sentiment. Or, l'alliance, c'est l'inscription sociale de l'infériorité
des femmes ou plutôt le renoncement à leur intégrité. À cause de la Grande
Peur : peut-être parce qu'ils sortent du ventre des femmes et que, de leurs
ventres, ne peuvent sortir ni hommes ni femmes, les hommes ont peur que les
femmes les dévorent, les mutilent, les mettent à mort. Ils ont peur de la
jouissance de la femme qu'ils considèrent comme mortellement insatiable dès
lors qu'elle n'est plus captive, mais libre ou libérée. Pour juguler la Grande
Peur, toutes les sociétés ont mis au point des mécanismes qui divisent l'être
des femmes en deux, répartissent le danger et permettent de le contrôler :
d'un côté les mères et leurs assimilées, de l'autre côté les putains et leurs
assimilées ; d'un côté la reproduction, de l'autre la jouissance. Ce mécanisme
de coupure se reporte sur les enfants, la reproduction légale servant à trier
les héritiers — ceux que l'on nomme légitimes — et ceux qui n'héritent pas —
ceux que l'on nomme illégitimes. On peut alors comprendre le scandale des
mères célibataires. Selon les époques, la division des femmes en deux est plus
ou moins marquée : moins elle l'est, plus les femmes sont libres et plus les
maternités hors mariage sont considérées comme normales et moins il y a de
différence entre les héritiers et les bâtards. Il y a donc là un critère
décisif d'évaluation des sociétés, qui explique sans doute que les mythes et
la littérature ne cessent de porter une constante rumeur, celle d'une force
fondatrice propre aux enfants illégitimes, la force de bâtardise.
faut savoir et accepter que la durée d'une relation est à l'inverse de son
intensité. Le mariage, lui, prétend à la durée, privilégiant l'alliance plus
que le sentiment. Or, l'alliance, c'est l'inscription sociale de l'infériorité
des femmes ou plutôt le renoncement à leur intégrité. À cause de la Grande
Peur : peut-être parce qu'ils sortent du ventre des femmes et que, de leurs
ventres, ne peuvent sortir ni hommes ni femmes, les hommes ont peur que les
femmes les dévorent, les mutilent, les mettent à mort. Ils ont peur de la
jouissance de la femme qu'ils considèrent comme mortellement insatiable dès
lors qu'elle n'est plus captive, mais libre ou libérée. Pour juguler la Grande
Peur, toutes les sociétés ont mis au point des mécanismes qui divisent l'être
des femmes en deux, répartissent le danger et permettent de le contrôler :
d'un côté les mères et leurs assimilées, de l'autre côté les putains et leurs
assimilées ; d'un côté la reproduction, de l'autre la jouissance. Ce mécanisme
de coupure se reporte sur les enfants, la reproduction légale servant à trier
les héritiers — ceux que l'on nomme légitimes — et ceux qui n'héritent pas —
ceux que l'on nomme illégitimes. On peut alors comprendre le scandale des
mères célibataires. Selon les époques, la division des femmes en deux est plus
ou moins marquée : moins elle l'est, plus les femmes sont libres et plus les
maternités hors mariage sont considérées comme normales et moins il y a de
différence entre les héritiers et les bâtards. Il y a donc là un critère
décisif d'évaluation des sociétés, qui explique sans doute que les mythes et
la littérature ne cessent de porter une constante rumeur, celle d'une force
fondatrice propre aux enfants illégitimes, la force de bâtardise.
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