Le théâtre de Léon Blum
EAN13
9782815957298
Éditeur
Editions de l'Aube
Date de publication
Collection
Monde en cours - Essais
Langue
français
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Le théâtre de Léon Blum

Editions de l'Aube

Monde en cours - Essais

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Léon Blum s’est fait une place dans l’histoire de France en devenant, en juin
1936, à la tête du Front Populaire, le premier socialiste à diriger un
gouvernement. Lorsqu’il devient Président du Conseil, Léon Blum a soixante-
quatre ans ; officiellement il fait de la politique depuis moins de vingt ans.
Pourtant, avant la politique, Léon Blum était déjà célèbre. Jusqu’à ses
quarante ans, il est connu et reconnu comme l’un des principaux critiques de
théâtre de la Belle Époque. Ces parties de sa vie et de son œuvre sont
aujourd’hui totalement négligées. Cette réédition vise à la faire redécouvrir
à travers une sélection de ses critiques, certains de ses textes théoriques et
de ses conférences sur le théâtre, ainsi qu’une pièce de théâtre inachevée de
trois actes, restée inédite depuis 1902. Après avoir été au cœur des avant-
gardes littéraires du tournant du siècle, et notamment à la Revue Blanche dont
il tient la « Chronique des livres », Léon Blum s’est éloigné de la
littérature pour se rapprocher du théâtre. Durant la décennie qui précède la
Grande Guerre, il écume les répétitions générales et les premières pour
préparer les articles qu’il fournit successivement à La Renaissance Latine, à
L’Humanité – qu’il a contribué à fonder, à La Grande Revue, à La Revue de
Paris, à Excelsior, à Comoedia ou encore au Matin. Ces deux derniers titres,
qui tirent à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, lui permettent de
se faire connaître d’un public beaucoup plus large. Petit à petit, il s’impose
comme l’un des principaux critiques dramatiques parisiens. Alors que le
théâtre français se renouvelle profondément au début du siècle, les articles
de Blum sont comme des balises : proche des avant-gardes, il sait aussi
marquer leurs insuffisances. En 1911, le grand Jacques Copeau, qui ne le porte
pourtant pas dans son cœur, ne peut qu’admettre que Blum est « le plus
distingué, peut-être le plus important et certainement le plus en vue des
critiques dramatiques actuels. » Jugement ratifié par la postérité : Jean-
Laurent Cochet le présente comme le critique « le plus intelligent de son
époque. » Attendues autant que redoutées, ses critiques pèsent sur le succès
d’une pièce, au point que certains auteurs ne lui pardonnent pas d’avoir
relevé leurs carences. En 1912, attaqué par le dramaturge Pierre Veber qui
refuse qu’il assiste à sa pièce, Blum ira jusqu’à demander réparation lors
d’un duel. Preuve de son importance, Gaumont se déplace pour filmer sa
victoire à l’épée. La presse nationaliste et antisémite se déchaîne, elle
aussi, contre ce critique juif accusé de saboter la morale chrétienne et
d’incliner par préférence ethnique. Loué ou insulté, le Léon Blum critique est
au cœur des débats culturels et mondains. Blum écrira des centaines de
critiques, presque un demi-millier. Leur qualité est telle qu’à partir de
1906, plusieurs dizaines d’entre elles seront publiées en volume par l’éditeur
Ollendorf. C’est la série des quatre tomes d’Au théâtre – réflexions
critiques, parus en 1906, 1909, 1910 et 1911. Aujourd’hui introuvables, ces
volumes sont des bijoux d’intelligence et de précision. Ils formeront la
matière principale de notre réédition. Dans chacune de ses critiques, Blum
commence toujours par donner l’argument de la pièce, ce qui en rend la
lecture, plus d’un siècle plus tard, totalement naturelle : nul besoin d’avoir
vu ou lu la pièce pour en saisir les enjeux. Mais l’effet de modernité des
critiques n’est pas lié qu’à leur forme, il tient surtout à leurs thèmes. Blum
a deux thématiques principales : les relations de couple et la politique. Or,
dans chacun de ces domaines, il se montre avant-gardiste. D’une liberté
d’esprit totale – celle-là même qu’il exprimera en 1907 dans son essai Du
Mariage où il prend position pour une égale liberté sexuelle des femmes avant
le mariage – il livre, texte après texte, une chronique des déboires du couple
qui fascine par son actualité. Union libre ou mariage, tromperie et divorce,
passion et tendresse, il passe aux scalpels les états amoureux des
protagonistes des pièces pour parler des impensées de son époque mais aussi
des cas de conscience des amoureux de la nôtre : Peut-on pardonner
l’infidélité ? Faut-il céder à la passion amoureuse ? Comment articuler les
inclinaisons du cœur et les attendus de la morale ? Cette ligne de fond qui
décrit les péripéties de l’amour, du couple et de la famille se conjugue avec
une attention très poussée aux dynamiques politiques : le nationalisme, la
critique de la République, la glorification des « petites patries » qui
agitent une partie de l’élite intellectuelle de cet avant-guerre font eux
aussi l’objet de ses critiques. En filigrane, on retombe sur un Léon Blum
socialiste qui considère le théâtre comme un espace de confrontations
politiques. Mais, là aussi, comment ne pas retrouver l’actualité des thèmes
les plus contemporains : la critique d’une prétendue décadence, le désir
d’assujettissement de la liberté individuelle… Une fois encore, Léon Blum a
des choses à nous dire. La critique de la scène dramatique n’est pas la seule
modalité d’intervention de Léon Blum. À travers des articles théoriques et des
conférences, il se penche aussi sur le théâtre en général, sur les évolutions
qu’il connait à son époque, sur quelques grands classiques comme Shakespeare
ou Ibsen, sur le rapport entre le théâtre et la société dans laquelle il se
joue, et sur sa conception du métier de critique. Autant de textes qui
formeront, à côté des critiques, la deuxième entrée de ce volume sur Léon Blum
et le théâtre. Enfin, la troisième entrée de ce volume est un petit trésor. En
1902, Léon Blum rédige les trois premiers actes d’une petite pièce, Sur la
colère, qu’il ne finira jamais. Oubliée depuis dans les archives, cette pièce
mystérieuse raconte l’isolement progressif d’un père de famille colérique.
D’une maîtrise stylistique certaine, véritable portrait psychologique, le
drame se veut sans doute aussi une pièce à thème sur les rapports
intrafamiliaux : elle peut se lire comme une méditation sur les mauvaises
manières d’aimer ses parents, sur le poids que la piété familiale fait peser
sur les désirs d’émancipation des enfants.
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