L’idée générale du bonheur, Printemps-été 2018
EAN13
9782897593674
Éditeur
Atelier 10
Date de publication
Collection
Nouveau Projet
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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L’idée générale du bonheur

Printemps-été 2018

Atelier 10

Nouveau Projet

Livre numérique

  • L’idée générale du bonheur

    Aide EAN13 : 9782897593674
    • Fichier PDF, avec Marquage en filigrane
    1.99
L’amélioration de la qualité de vie constitue sans doute l’idéal culturel le
plus puissant de notre époque. Arrivées en force après la Seconde Guerre
mondiale, la société de consommation, la prospérité et la liberté individuelle
ont incarné l’espoir des Trente Glorieuses. Jusqu’à une période récente, cet
horizon a suscité l’adhésion: il était encore possible de croire en la
promesse du progrès social, moral, économique et technologique. Aujourd’hui,
l’insécurité gagne tant d’aspects du monde (crises diplomatique, écologique,
financière, démocratique, etc.) qu’il devient difficile de se projeter dans un
avenir collectif radieux. L’escalade technologique a révélé ses exorbitants
couts environnementaux et humains, et à l’heure où 800 professions risquent
d’être perturbées par la robotisation, chacun trouve refuge dans l’aménagement
de sa vie quotidienne—au moins, notre environnement immédiat a le mérite
d’être encore à portée de main et d’action. Les individus ne sont pas les
seuls à concentrer leur attention sur leur «qualité de vie». Cette expression
est devenue le nouveau buzzword de l’urbanisme durable et de la politique
municipale, qui préconisent l’amélioration des «milieux de vie» à travers un
ensemble de mesures visant à rendre les villes et les quartiers plus
attrayants, paisibles et conviviaux. Qui s’opposerait à cela? Synonyme de
bienêtre, de satisfaction, voire de bonheur, la qualité de vie a toutes les
allures d’un bien universellement recherché. Elle passe pour une notion
intuitive, évidente et consensuelle, et c’est précisément ce qui fait d’elle
une idée extrêmement difficile à critiquer. Sa popularité est intimement liée
à son élasticité—chacun peut lui donner l’interprétation qui lui convient.
C’est en ce sens le concept le plus générique et le plus idiosyncrasique qui
soit: chaque personne oriente son existence selon une certaine idée du bien.
Il suffit de lire les quelques répliques écrites par Marc Brunet pour mesurer
à quel point ces visions individuelles peuvent facilement entrer en collision.
Cela dit, la qualité de vie n’est pas seulement une préférence subjective,
elle est aussi une construction sociale. Les normes, les valeurs et les
critères qui déterminent sa signification concrète dépendent du contexte: ils
découlent de la culture et de la position sociale de chaque individu, mais
aussi du regard des autres. Pour quelqu’un qui évolue dans la grande
bourgeoisie, la qualité de vie implique de posséder une Mercedes ou un yacht,
d’avoir du personnel pour gérer enfants et tâches ménagères; elle suppose de
jouer régulièrement au golf ou d’appartenir à différents clubs de prestige. Le
bonheur d’un homme issu d’une classe plus populaire se mesurerait davantage
(pour lui et pour ses pairs) au fait d’avoir un pickup récent, un bon revenu
et une grosse télévision à regarder en famille. Si l’exemple peut paraitre
caricatural, il rappelle que la qualité de vie peut varier du tout au tout
selon qu’on est homme ou femme, qu’on vit en ville ou à la campagne, qu’on
vient du Grand Nord, du Sud du Québec, d’Europe, du Maghreb ou d’Asie.
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