Isabelle S.

25,00
Conseillé par (Libraire)
24 août 2009

D’une chambre de l’hôpital psychiatrique où elle est internée depuis plus de cinquante ans, Roseanne écrit le récit de sa vie, feuilles de papier qu’elle cache sous une latte disjointe du plancher. William Grene, psychiatre, chargé d’« évaluer » sa patiente et d’établir quelles circonstances l’ont amenée là, tient un journal auquel il confie ses doutes, les questions qu’il se pose sur sa profession, l’amour qu’il porte à Bet, sa femme, anéantie par une dépression, et la relation étrange qui le lie à Roseanne. Car ce qui finit par occuper tout son esprit, c’est le désir de « quelque part trouver le fil et le cœur de son histoire ».
Le cœur, c’est Sligo, ville sombre et pluvieuse, la mer toujours démontée et les montagnes tout près ; le fil, une enfance heureuse aux côtés de Joe, le père tant aimé, gardien de cimetière, puis chasseur de rats, la figure floue d’une mère enfermée dans le silence de sa folie, les rencontres amoureuses, origine du drame qui fera d’elle une exilée, exclue du monde, privée de tout. Simplement parce qu’elle a, comme tant d’autres, transgressé les codes de l’Irlande catholique, personnifiée ici par le terrifiant père Gaunt, acharné à briser une jeune fille trop belle, diabolique tentation pour les hommes de Sligo.
De page en page, c’est aussi l’histoire troublée de l’Irlande de la première moitié du siècle dernier, « conte de fée sauvage », qui se révèle, le soulèvement de 1916, la guerre d’indépendance et la guerre civile qui entraînèrent le naufrage de tant de vies.
Sebastian Barry entrelace ces événements tragiques et le destin d’êtres qui durent trouver leur chemin dans un monde de violence, de haines et de trahisons. Il explore, comme dans une enquête policière, les zones d’ombre du souvenir, les imperfections de la mémoire, les vérités et les mensonges du témoignage.
En donnant la parole à Roseanne, il rend hommage, avec poésie et profondeur , à ceux que l’histoire et la pesanteur des traditions ont dépossédés de leur vie.

Conseillé par (Libraire)
24 août 2009

Ils n’ont jamais quitté leur village et partent vers un pays dont ils ne savent rien, pour une guerre qui ne les concerne pas. Ils sont jeunes, très jeunes, ne connaissent rien de la vie, et la convocation militaire vient briser leur peu d’espoir en l’avenir en les précipitant dans un monde de violence, de peur, de solitude. La mer, ils la voient pour la première fois à Marseille, et chacun d’eux sait, à peine embarqué sur le bateau pour l’Algérie, que « dès cet instant toute sa vie sera perforée de ce coup de sirène qui annonce le départ ».
Au retour, c’est comme s’ils n’étaient jamais partis, personne ne leur demande rien, et ils savent que personne ne voudrait écouter ça. Il faut vivre, recommencer à travailler, essayer de ne pas réfléchir, de ne pas se souvenir.
Mais quarante ans plus tard, un cadeau refusé et le drame qui en découle font brutalement resurgir des images terribles, imprimées à jamais dans leur mémoire, des fantômes dont ils s’étaient fait à eux-mêmes serment de ne jamais rien dire, des questions auxquelles ils ne peuvent répondre.
« Moi, je me disais, je suis là, j’ai soixante-deux ans et dans ce salon, là, à presque quatre heures du matin, je regarde des photos et mes yeux, les larmes, la gorge nouée, je me retiens pour ne pas tomber, comme si les sourires et la jeunesse des gars sur les photos c’était comme des coups de poignards, va savoir, qui on a été, ce qu’on a fait, on ne sais pas, moi, je ne sais plus. »
Laurent Mauvignier impressionne par son écriture tendue à l'extrême, tendue comme ces hommes, comme la violence, comme ce qui retient les mots à l'intérieur des têtes. Pas d'éclaircie, rien vers quoi se tourner pour mieux respirer. Une infinie tristesse devant ces vies gâchées, devant aussi ce qui aurait pu être, les amours, les espoirs, les rêves.
Des hommes nous frappe avec la force d’un constat sans appel. Avec des mots simples, sans manichéisme ni lourdeur pédagogique, l’écrivain dit toute la complexité des êtres, la solitude, la parole impossible. Il fouille le cœur de ces hommes, pénètre dans leur cerveau et leurs cauchemars. Dans l’hiver glacial d’une campagne banale, quand le passé longtemps contenu envahit le présent, il nous fait vivre à leurs côtés l’attente, la chaleur, le silence des nuits, l’odeur de l’angoisse et de la mort. Aux côtés de plus d’un million d’appelés pris dans l’horreur d’une guerre sans nom.

Conseillé par (Libraire)
24 août 2009

« L’amour naît de la défaillance que l’on perçoit, de la faille où l’on s’engouffre, vous ne trouvez pas ? »
Un bel automne à Paris, la foudre enflamme les cœurs de quatre quarantenaires et bouleverse leur vie.
Anna est belle, la peur de vieillir et un besoin de sécurité maladif la paralysent. Yves est écrivain ; il n’est pas sûr d’avoir envie de devenir l’homme admiré et célèbre qu’elle aimerait tant qu’il soit.
Louise est avocate, elle n’a pas « eu son mot à dire » quand elle est tombé amoureuse de Thomas, rien voulu faire pour éviter que sa vie n’en soit chamboulée. Thomas est seul, il passe ses journées à écouter les autres dans son cabinet de psychanalyste.
Vertige de l’amour, trouble du désir, rendez-vous clandestins, mensonges aussi, un peu, offensives de la raison et des mauvaises raisons, Hervé Le Tellier nous emmène en balade avec ses personnages, entrecroisant habilement leurs chemins pour nous tourner la tête, sans jamais abandonner l’humour tendre qu’on lui connaît depuis longtemps, et qui n’en finit pas de nous ravir.
On découvrira les dominos abkhazes, jeu complexe, étrange, inconnu du commun des mortels, et qui pourrait bien avoir inspiré à Hervé Le Tellier la construction de son roman (mais où a-t-il été chercher ça ?). Entre les lignes, les ombres de Perec et d’Edouard Levé nous font signe, amis disparus, toujours si proches.
Il n’est pas si fréquent, dans cette époque plutôt cynique et souvent vulgaire, de lire des pages aussi sensibles sur le sujet rebattu de l’amour. Hervé Le Tellier, qui avait obtenu en 2007 le Prix du roman d’amour pour son livre Je m’attache très facilement, est décidément, quoi qu’il en pense, un grand sentimental.

Folies d'encre

12,00
Conseillé par (Libraire)
25 juillet 2009

Max Schmidt, jeune Berlinois, est contraint de fuir l’Allemagne pour une sombre histoire d’adultère sur fond de montée du nazisme. Il embarque pour le Brésil sur un vieux navire, pas bien rassuré par le sinistre capitaine du cargo, l’étrange directeur d’un cirque et les rugissements des animaux serrés au fond de la cale.
Abandonné par l’équipage alors que le bateau fait naufrage, Max se retrouve à bord d’un petit canot en compagnie d’un autre rescapé, un tigre qu’il lui faudra nourrir en pêchant des poissons pour ne pas être lui-même englouti dans la gueule du fauve.
Du magasin de fourrures de son père, homme autoritaire et violent, à Caxias do Sul en passant par Porto Alegre et même par la prison, c’est l’épopée merveilleuse de Max qui nous est racontée ici, avec finesse, intelligence et humour par un maître du réalisme magique. Qui sont les fauves qui poursuivent Max depuis son enfance ? Ce serait faire offense au futur lecteur que d’en dire davantage.
Une fable sur le pouvoir et la peur, un trésor de la littérature brésilienne.

1184 pages en 2 volumes sous coffret

José Corti

Conseillé par (Libraire)
25 juillet 2009

«  Ces contes sont-ils composés et inventés pour les enfants ? Je crois cela aussi peu que le fait qu’il soit nécessaire d’instituer quelque chose de particulier pour les enfants, de manière générale. » Ainsi s’exprimait Jacob Grimm dans une lettre à un de ses amis. Bien sûr,bon an mal an, nous sommes devenus grands, mais il serait dommage sous ce prétexte de s’interdire le plaisir de lire la nouvelle traduction de l’ensemble des contes des frères Grimm proposée par Natacha Rimasson-Fertin.

C’est pour nous qu’ils se sont attachés à recueillir cette mémoire qui ressemble, selon leur comparaison demeurée célèbre, à de petits morceaux d’une pierre précieuse éclatée, éparpillés au milieu des herbes. « Poésie de nature », intimement lié à l’expérience humaine, le conte de tradition orale exprime ce qu’il y a de plus profond en nous, au-delà de notre appartenance à un pays ou à une époque.

Alors pourquoi ne pas se laisser entraîner au cœur de sombres forêts, surprendre une conversation entre le lièvre et le hérisson, imaginer dans le crapaud ou l’ânon un très beau prince, comprendre la sagesse du benêt, trembler devant de vieilles sorcières et des ogres terrifiants, partager le maigre repas du pauvre bûcheron dans sa chaumière, espérer la fée qui nous aidera à vaincre les épreuves du chemin…

Natacha Rimasson-Fertin livre ici le résultat d’un long travail d’une grande intelligence et d’une grande sensibilité : « J’ai essayé de trouver un juste milieu entre une traduction littérale et une traduction au style plus libre, visant avant tout la beauté du texte, afin de le rendre plus lisible, sans le trahir. » Nul doute qu’elle a parfaitement réussi cette entreprise. Une belle occasion de retrouver l’univers de l’enfance — qui n’est jamais aussi loin qu’on le pense — et de ses rêves les plus secrets.

En guise de conclusion, ces quelques mots des frères Grimm : « Là où ces contes sont encore vivants, ils existent de façon telle qu’on ne se demande pas s’ils sont bons ou mauvais, s’ils sont poétiques ou de mauvais goût : on les connaît et on les aime, simplement parce qu’on les a reçus ainsi, et on y trouve du plaisir sans avoir besoin d’une raison à cela. »