Écrire une histoire du mal, c'était l'ultime projet d'Adrià. L'acheva-t-il, ou bien son ami Bernat, ou plus sûrement Jaume Cabré au travers de la vie de son héros, de ses parents, de ses amis, de ses femmes, de tous ceux qu'il aima et trahit, dont il trompa la mémoire, avant que celle-ci ne le trompe à son tour.
Un assemblage accidentel et précis de fidélités et de trahisons, voilà ce à quoi se résume in fine le destin d'un homme tout aussi bien que l'histoire de l'humanité, et le XXème siècle européen en a fourni des illustrations inédites dans l'horreur, qui façonneront le destin d'Adrià.
Avec sa maîtrise de la singulière technique du fondu-enchaîné appliquée à l'écriture, Jaume Cabré réussit à ordonner le chaos, dans la conscience amère de la fugacité de cette victoire.

On y est, le meilleur des mondes est là, et comme on pouvait le craindre, c'est un hypermarché !
Roman noir, super-pouvoirs, romance, manuel de management, etc... avec sa maîtrise des codes, son énergie et son humour, Thomas Gunzig emporte le lecteur et mène le bal.
Un constat lucide sur l'état de l'humanité, énoncé une maestria qui expédie Michel Houellebecq direct à l'hospice, rayon vieillard cacochyme.

Un vrai plaisir dans ce livre d'entretiens que d'entendre Rudy Ricciotti, l'architecte du Mucem à Marseille et du Pont du Diable sur l'Hérault, vitupérer contre les architectes, les éco-quartiers, les maîtres d'ouvrages institutionnels, les normes HQE et autres, avec sa faconde sudiste.

Par-delà les exagérations ou la mauvaise foi, force est de reconnaître que le bougre vise juste dans sa dénonciation et sa révolte contre cet abandon de notre souveraineté auquel nous consentons trop facilement, au prix d'un confort cotonneux, et au profit des pouvoirs poltitiques ou d'argent qui nous manipulent.

Mais aussi des éloges lyriques de l'artisanat, de la proximité, du béton (eh oui!) et de la créativité.

Rudy Ricciotti n'y va certes pas avec le dos de l'équerre, mais c'est souvent très drôle et toujours revigorant à lire.

C'est de saison, les policiers scandinaves borderline rentrent au bercail. Harry Hole, certes viré de la police, revient de Hong Kong, au désespoir d'à peu près tout le monde. Après s'être refait une santé (plus de dope ni d'alcool), et avoir moralement intégré le meurtre comme moyen d'action (certes illégal, mais efficace) à sa panoplie de justicier, il ne lui manque plus que de passer pour un bon époux et un bon père pour se retrouver avec une auréole au-dessus de la tête. Manque de chance, son ex s'est trouvé un ami plus rassurant, et son fils, toxico au dernier degré, est en prison pour le meurtre d'un dealer ; et bien sur il refuse toute aide de son père adoptif. Innocenter quelqu'un contre son gré, la tâche s'annonce ardue pour un Harry Hole plus christique que jamais...

Un jeune médecin portugais en mission humanitaire au Mozambique passe l'essentiel de son temps à faire le siège d'un vieux couple perclus de maladies plus ou moins imaginaires. Et l'imagination tourne à plein. Entre les mythes à assumer, les rêves à vivre, les secrets à cacher, les crimes à oublier et les espoirs déçus, impossible de faire la part des choses. Heureusement que le docteur est là pour que tout finisse couché sur la papier ; même s'il y est d'abord venu pour retrouver la belle étudiante croisée à Lisbonne qui hante ses pensées depuis lors, au Mozambique on meurt de saudade, il devra l'éprouver. Et l'Afrique est un continent difficile pour la mélancolie occidentale.
Comme le blues est malien, la saudade est mozambicaine ! Somptueuse démonstration de Mia Couto.