nymeria

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Grande lectrice depuis toute petite et blogueuse depuis peu, j'adore lire pour m'évader, découvrir de nouveaux auteurs et partager mes impressions avec d'autres lecteurs. ^^

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17 avril 2015

J’ai découvert le nom de Mélanie Fazi à travers ses traductions de textes SFFF. C’est un « détail » auquel j’accorde beaucoup d’importance parce qu’un bon roman passe par une bonne traduction ou plutôt une bonne adaptation de l’œuvre. J’étais depuis longtemps curieuse de lire un de ses romans et c’est enfin chose faite avec « Le jardin des silences ». Bien que ce ne soit pas un roman mais bien un recueil de nouvelles pour la plupart déjà parues sauf deux inédits « L’été dans la vallée » et « L’autre route ». Comme je n’avais encore lu aucun de ses textes, ça ne m’a pas dérangé mais pour ceux qui possèdent déjà certaines des anthologies précédentes vous voilà prévenus.

Le recueil se compose de douze nouvelles de qualité égale, bien que certaines m’aient plu plus que d’autres. On y retrouve des thèmes classiques comme l’hommage aux contes avec « Swan le bien nommé » par exemple. Où Mélanie Fazi revisite le thème du vilain petit canard en le mixant avec le classique de la méchante marâtre qui essaie de se débarrasser de ses beaux-enfants. La nouvelle « Miroir de porcelaine », quant à elle, s’inspire du genre steampunk avec ses automates plus vrais que natures. On oscille ainsi entre une culture fantastique bien ancrée et la vision personnelle de l’auteure quant à la magie, aux rêves, aux dragons et aux vieilles croyances.

Si l’on se déplace en terrain connu avec ce terreau des plus classiques, j’ai vraiment adhéré à la conception de Mélanie Fazi qui réussit à apporter du sang neuf à tout cet univers. Son regard sur les choses est acéré, ses nouvelles plutôt sombres, on est loin des contes de fées. Bien que les textes soient courts, j’ai trouvé que l’auteure savait développer des histoires complexes et denses qui donnent une impression d’unité. Sûrement grâce à sa plume délicate et vivace qui appelle facilement des images dans notre esprit. A sa faculté à nous transporter dans son univers. L’auteure possède un talent de conteur incontestable.

Mais « Le jardin des silences », ce n’est pas juste une belle plume et des histoires intéressantes, c’est aussi une narration envoûtante, dynamique qui nous immerge dans un tourbillon d’émotions le temps de quelques dizaines de pages. A chaque nouvelle, c’est le même déluge de sensations. On passe de l’effroi à l’admiration, de l’émerveillement à l’angoisse. Mes nouvelles préférées sont sans conteste « Les sœurs de la Tarasque » et « Le pollen de minuit ». J’ai adoré la plongée dans l’onirisme de la seconde, avec tout ce qu’elle apporte d’angoissant et de réconfortant et la première nouvelle m’a donné envie d’en savoir plus sur ses jeunes femmes qui vouent leurs vies au dragon, entre abnégation et souffrance. Une auteure que je relirais avec grand plaisir !

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5 novembre 2014

Une petite pépite !

Grand prix de l’imaginaire 2014 dans la catégorie Roman étranger, « L’homme qui savait la langue des serpents » est une petite pépite qui mérite largement cette récompense et plus encore. Difficile à catégoriser, le roman joue sur différents registres et possède plusieurs couches, comme les oignons. En surface, il s’agit d’une fable tragi-comique, avec de nombreux éléments absurdes et fantastiques qui s’amalgament dans un joyeux délire. Des ours qui séduisent des femmes, un vieux cul-de-jatte qui se fabrique des ailes avec les os de ses victimes, un pou domestiqué de la taille d’un cheval, et j’en passe et des meilleurs. A croire que l’auteur a abusé de substances illicites. Pourtant, tout ça colle merveilleusement et l’univers est construit de telle manière que l’on s’y fait très facilement, comme si tout cela allait de soi.

Si l’on creuse un peu plus profondément (et que l’on lit la précieuse postface de Jean-Pierre Minaudier, le traducteur), on comprend qu’Andrus Kivirähk n’est pas seulement un maitre de l’absurde qui s’est fait plaisir avec son univers complétement déjanté, c’est aussi un redoutable satiriste, qui n’hésite pas à dénoncer bon nombre de choses en les tournant en dérision. La religion catholique et les vieilles croyances en prennent ainsi pour leurs grades, l’auteur s’amusant beaucoup de la crédulité desdits croyants. L’ignorance, le progrès à tout prix et l’attachement aux anciennes coutumes, Andrus Kivirähk les dépeint avec un humour corrosif, qui nous fait passer du rire aux larmes en l’espace de quelques paragraphes. A défaut de connaitre la langue des serpents, l’auteur a au moins la langue bien pendue !

Le récit qui nous emmène aux côtés de Leemet, au plus profond des forêts estoniennes, nous explique comment le monde moderne a sonné le glas des anciens peuples et comment les forêts se sont peu à peu dépeuplées. La fameuse langue de serpents, qui permettait à nos ancêtres de comprendre les animaux et de communiquer avec eux, tombe peu à peu dans l’oubli, au fur et à mesure que les gens quittent la forêt pour s’installer au village. Ce qui semblait couler de source devient féérique, délirant voire démoniaque pour les « citadins ». La confrontation entre ancien monde/modernité entraine plusieurs scènes délirantes où l’on s’émerveille d’un râteau ou que l’on se vante de pouvoir reconnaitre la race d’un cheval à la consistance et au goût de sa crotte…

Si les passages cocasses sont nombreux et que la lecture amène parfois les larmes aux yeux face à une scène particulièrement croustillante, le ton du roman se révèle également cruel, décapant voire défaitiste. La mort rôde, la mort guette, de même que la vengeance, la jalousie et la bêtise crasse. L’auteur n’y va pas par quatre chemins et n’épargne rien à ce malheureux Leemet, qui devra faire face à de multiples situations traumatisantes. La narration atteste d’un certain brio, l’auteur alternant entre les phases comiques et tragiques en prenant garde à délayer son intrigue. Le roman jouit d’une grande cohésion, l’univers moyenâgeux représenté par l’auteur se déployant en une myriade de détails révélateurs. Rien n’est laissé au hasard dans cette Estonie imaginée, à la symbolique débordante.

Les personnages, comment dire, ne sont pas piqués des vers, c’est le moins que l’on puisse dire. Leemet, le héros de l’histoire, est probablement le personnage le plus « normal » du lot. Andrus Kivirähk nous offre toute une galerie de personnages entiers, vaniteux ou vindicatifs, qu’il a pris grand plaisir à créer, et ça se voit. Au choix, il y a la mère nourricière qui ne jure que par le ragoût d’élan (au kilo si possible), le vieux « sage » à demi fou qui sacrifie à tour bras, le beau-frère ours qui lorgne les filles maladivement, les deux australopithèques et leur élevage de poux domestiqués, la paysanne qui s’imagine porter Jésus en elle… Bref, du lourd ! Ajoutez à cela une superbe plume (et traduction) qui sait jouer avec les mots, y cacher une allusion, un double sens pour mieux nous surprendre et nous faire mourir (de rire) ou nous ébahir. Une lecture inspirée et impertinente, que je ne peux que vous conseiller pauvres fous que vous êtes !

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5 novembre 2014

Atypique mais pourtant classique, voilà comment on pourrait qualifier le premier roman d’Etienne Guéreau. Si le roman emprunte à la tragédie de Sophocle pour nommer ses personnages et leur glisser des règles de vie, l’histoire de ce clan suspendu n’a finalement pas grand-chose à voir avec Antigone (ne fuyez donc pas, vous qui n’appréciez pas le théâtre classique !). Les références se trouveront plutôt du côté cinématographique, avec le film « Le village » de Night Shyamalan notamment. L’histoire d’un petit groupe d’êtres humains qui s’est retranché dans la forêt et a effectué un retour à la nature, avec comme garde-fou un monstre sanguinaire qui viendrait attaquer tout habitant assez fou pour vouloir s’aventurer hors du village… Ça vous dit quelque chose ?

Si le roman est de facture classique et que les évènements suivent une logique entendue, j’avoue avoir été bluffée par la construction du récit et par l’aisance d’Etienne Guéreau à mener son intrigue. Les chapitres sont courts, concis, la plume dynamique. On entre de plain-pied dans ce petit clan retranché au beau milieu des arbres et on se passionne vite par leur façon de vivre. Malgré les noms pompeux de ses personnages (Ismène, Hémon, Polynice,etc.) et les étranges coutumes auxquelles ils se livrent (l’occulte salut Letwyn Tahouer), l’histoire reste très accessible et brasse de nombreux sujets. Entre les dérives possibles d’une utopie basée sur le mensonge, les dangers d’une tradition incomprise et le péril que représente une éducation imparfaite, il y a largement de quoi faire réfléchir le lecteur.

« Le clan suspendu » est un roman oppressant et prenant qui se lit d’une traite. Cette espèce de huis-clos qui s’installe et qui nous place dans le rôle de la jeune héroïne tragique qu’est Ismène n’est pas de tout repos. Si sa jeunesse choque face à la façon dont elle est perçue par certains hommes (n’oublions pas qu’elle n’a que douze ans), force est de constater qu’elle est le seul personnage du roman à se montrer réfléchi, la seule qui n’hésitera pas à confronter son monde face aux aberrations qu’elle découvre. Les personnages secondaires, adultes comme enfants, m’ont tous semblé détestables. Des adultes laxistes qui préfèrent fermer les yeux plutôt que se prendre en main et des enfants qui se laissent manipuler par les délires d’un ado en mal d’attention. Attention, « sa majesté des mouches » n’est pas loin. Si la trame suit une certaine linéarité et que la fin ne nous étonne pas plus que ça, l’auteur mène bien sa barque et lève le voile sur toutes les petites bizarreries rencontrées. Bref, un roman étrange et efficace et un premier roman réussi pour Etienne Guéreau.

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5 novembre 2014

Sortie passée un tant soit peu inaperçue chez Bayard, « Edgar sacré lascar » est pourtant une petite pépite de littérature jeunesse par son côté doux-dingue qui vous laissera avec le sourire aux lèvres. Le type même de roman que l’on aimerait voir plus souvent dans le genre. Parce que c’est drôle, fantasque et joliment illustré par l’illustrateur Pete Williamson avec un talent certain. Si l’on s’amuse à lire le récit d’Edgar, ce vieux corbeau bougon, c’est encore mieux quand il apparait sous nos yeux sur la même page avec cet œil rond inimitable et ce style un peu gothique. A noter une très belle édition, toute simple mais avec une belle tranche noire et un petit prix.

La narration, c’est à Edgar qu’on la doit. Ce vieux corbeau, comme il le dit lui-même, n’a pas la langue dans sa poche et porte un regard impitoyable sur sa famille d’adoption, les d’Autrepart. Un patronyme très bien choisi tant cette famille loufoque nous semble parachutée d’un autre monde avec leurs passions atypiques et leurs réactions étranges. Dur, dur de se faire une place chez les d’Autrepart quand on est un corbeau grognon et roublard. Si le pauvre se sent sous-apprécié, il faut bien avouer qu’il n’est pas tendre non plus avec la famille. Aucun ne trouve grâce à ses yeux, à part Solstice la fille ado plus vive que les autres… et qui se préoccupe un peu de notre pauvre ami à plumes.

Très drôle mais aussi très imaginatif, ce premier tome d’Edgar sacré lascar se dévore à une vitesse folle. Non seulement le narrateur ne mâche pas ses mots mais en plus le récit joue sur les vieux ressorts d’épouvante avec la mystérieuse disparition des membres de la maisonnée et d’une non moins étrange montée des eaux provenant de la cave. Monstres tapis dans le noir, inventions loufoques, courses poursuites et branle-bas de combat, il y a de quoi faire avec « Disputes et disparitions ». Les personnages sont truculents et rappellent la famille Adams. Entre la nounou dont on ne sait à quelle espèce elle appartient, le chef de famille qui pratique des expériences plus farfelues les unes que les autres et la mère qui ne jure que par ses ustensiles de pâtisserie, on se croirait embarqué chez les fous ! A offrir à vos petits cousin(e)s et aux adultes qui ont su gardé une âme d’enfant.

Au Diable Vauvert

15,00
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5 novembre 2014

« Zombie Ball » est le quatrième roman de Paolo Bacigalupi que je lis, un court roman jeunesse publié chez Au diable Vauvert (qui est de fait la maison d’édition associée à l’auteur, vu que tous ses livres ont été publiés chez eux). Chose qui se confirme à la lecture de ce roman, l’auteur est un de mes auteurs favoris. Il ne me déçoit jamais parce qu’il sait allier divertissement et morale, comme si chacun de ses romans servait de support pour écorcher des pratiques ou dérives douteuses. Avec « Zombie Ball », c’est sa version de l’apocalypse zombie qui nous est présentée, avec en sus un bon coup de pied dans la fourmilière de la chaîne alimentaire et la façon dont on traite les animaux d’abattoir. Qui a dit qu’on ne pouvait pas s’amuser tout en tenant des propos sérieux ? Certainement pas l’auteur…

« Zombie Ball » regroupe un certain nombre de références et possède une aura toute particulière qui devrait plaire à de nombreux lecteurs. Nos amis non-morts sont ici de joyeux bouffeurs de cerveaux qui vous couratent pour faire de votre matière grise leur quatre heures. Entre leur cri de guerre (Cerveaaaaaaaaaau !) et l’apparition de vaches zombies, on comprend de suite que l’auteur a choisi de prendre les choses avec humour en se rapprochant des films zombies-kitsch où tout est dans l’art de la dérision.

Ce n’est pas le trio de gamins au centre de l’histoire qui vous en fera (dé)mordre. Rabi, Miguel et Joe avec leurs vache(ries) et leur camaraderie à tout épreuve vous rappellera sans doute certains groupes de copains que l’on rencontre dans la nouvelle « Le corps » de Stephen King (connu sous le titre « Stand by me » dans son adaptation cinématographique) ou dans « Les Goonies », film culte des années 80. Oui, notre trio nous rappelle cette ambiance bonne enfant où le mot aventure prend tout son sens. On monte des plans farfelus, on se rebelle contre les petites frappes et on se laisse emporter par son esprit de justice… C’est une ambiance toute nostalgique qui nous envahit à la lecture de « Zombie Ball ».

Sans surprise, on retrouve donc ces fameux sales mioches, ceux qui se plaisent à humilier les minorités et les moins bien lotis. Ici, le méchant est aussi le fils du propriétaire des abattoirs qui seront la cause de l’apocalypse zombie. Si vous n’êtes pas encore végétariens, vous pourriez bien le devenir après avoir lu « Zombie Ball ». Bacigalupi s’interroge sur le contenu de nos assiettes et sur les conditions de vie des animaux d’abattoir. La façon dont on traite ces bêtes, sans aucun égard, nous renvoie à la manière dont on dupe le consommateur en lui vendant des sous-produits. Et ce n’est pas le scandale de la viande bovine qui nous contredira. Si l’auteur tire la sirène d’alarme, c’est en tout état de cause, et sa mise en scène pleine d’humour fait mouche. On se divertit, on réfléchit, on s’offusque pour finir sur une grande bataille de zombie ball. Qui sait si ce n’est pas le sport du futur ? Paolo Bacigalupi le sait peut être…